JEAN FLEURY LE CORSAIRE
ou
LE PREMIER « HOLD-UP » MARITIME DE L’HISTOIRE
En 1522, au large des Açores, une petite escadre de huit bâtiments fortement armés faisait des ronds dans l’eau, dans l’attente, semble-t-il, d’un mystérieux rendez-vous.
Des caravelles portugaises escalant dans l’archipel, à l’île Santa Maria, avaient signalé cette présence permanente et inquiétante, probablement des pirates ou des corsaires…
Venant de l’ouest, trois galions espagnols lourdement chargés surgirent un beau matin à la hauteur des îles portugaises. Les huit navires en maraude, qui précisément les attendaient, se jetèrent sur le convoi comme des requins affamés…
Les galions espagnols et leurs équipages fourbus venaient de traverser l’Atlantique. Sur l’un d’entre eux, une partie des marins avait été décimée non point par le scorbut mais à la suite d’un incident peu banal.
Avaient embarqué à Vera Cruz, au Mexique, des « passagers » aussi inhabituels que dangereux puisqu’il s’agissait de deux jaguars destinés au zoo personnel de Charles Quint. L’un des fauves força la porte de sa cage estimant peut-être insuffisante la pitance du bosco. Il tua et blessa gravement une dizaine de matelots avant d’être abattu…
Les conquistadors des Amériques avaient hâte de gagner les Açores pour attendre les navires d’escorte prévus pour les accompagner jusqu’au port de Cadix. Lorsque les corsaires leur tombèrent dessus, ils réalisèrent que décidément, l’année 1522 ne leur était pas favorable !
Ils rapportaient une partie du trésor des Aztèques sur lequel Cortès, le conquérant espagnol avait fait main basse dans les palais de l’Empereur Moctezuma. Les lieutenants les plus fidèles de Cortès faisaient partie du voyage pour surveiller le précieux chargement.
L’un d’entre eux, Antonio de Quinomès fut tué lors de l’abordage. Son compagnon, Alonso d’Avila sera fait prisonnier et ramené à La Rochelle où il appréciera pendant trois ans la soupe des prisons françaises.
En sus de la part du trésor revenant à Charles Quint suivant un partage méticuleux prévu à l’avance, il y avait celles de Cortès et de ses hommes qui renvoyaient au pays leurs petites économies de façon à les mettre
à l’abri !
L’ensemble du magot était évalué à « 130.000 poids d’or ».
En sus, le chargement était composé de « masques en mosaïque de perles fines, avec des oreilles d’or et râtelier d’ivoire, de joyaux, dont une fine émeraude de la grandeur de la paume, de la vaisselle d’or et d’argent, de mitres d’ornements d’autels aztèques, une couleuvrine en argent…. et des milliers de larges plaques d’or en forme de disques… »
Magnifique cerise sur le gâteau, il fut trouvé à bord des caravelles espagnoles le rapport de Cortès à son Roi, s’il vous plaît, et pour faire bonne mesure, les portulans fraîchement rédigés concernant les côtes d’Amérique Centrale qui venaient d’être explorées et conquises.
Les portulans, rappelons-le, (de l’italien portolano, pilote), étaient le nom donné aux cartes marines au Moyen âge. Ils comportaient un maximum d’informations, un levé des côtes, des renseignements précieux sur les distances, les abris, les écueils, les courants, les tirants d’eau possibles, et les capacités de ravitaillement en eau douce, sans oublier les commentaires sur les éventuelles populations indigènes installées sur le rivage…
Bref, des documents d’une valeur inestimable pour son détenteur lequel, en l’occurrence, était Jean Fleury qui venait de réussir le premier « hold-up » officiel et reconnu de l’histoire de la Marine à voile en Atlantique.