En dehors de cette parenté forte intéressante, le destin de ce Honfleurais d’adoption mérite de toutes façons, qu’on se penche sur la vie d’un marin à la carrière mouvementée, comme on les aime à Honfleur, mais aussi qu’on prenne conscience de l’autre face du personnage, à savoir celle d’un autodidacte génial au parcours scientifique époustouflant.
Pour faire court, il est rare de rencontrer un homme qui démarre dans l’existence comme simple cuisinier à bord d’une frégate en partance pour les Antilles, à l’âge de 19 ans, en 1751 et qui finit sa vie comme :
Membre de l’Académie de Marine,
Correspondant de l’Académie des Sciences,
Membre des Académies de Rouen et de Caen,
Professeur de mathématiques et fondateur des Ecoles d’Hydrographie au Havre et à Honfleur, et tout cela, après avoir passé plus de quinze ans de sa vie sur nombre de navires entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique, voyages au cours desquels il apprit, “sur le tas”, le métier de marin.
On ignore quel était son bagage scolaire et intellectuel avant d’embarquer mais le fait d’exercer le métier de cuisinier laisse à penser qu’il n’avait guère fréquenté les bancs de l’école, et a fortiori, ceux de l’Université !
Cela étant, on rencontre parfois des personnages dont la vocation est d’être inventeur, comme on peut naître musicien de génie ou artiste peintre de talent, sans avoir reçu l’enseignement préalable nécessaire, mais bien sûr jamais suffisant…
Jean Baptiste Degaulle naquit à Attigny dans les Ardennes, le 6 Juillet 1732. Il était le fils de Léonard Degaulle et de Marie Madeleine Lantremeuze.
Malheureusement, on ne connaît pas la profession du père dont les ancêtres immédiats énumérés par Philippe De Gaulle furent, en vrac, huissiers, archers royaux, libraires, fabricant de perruques, religieux bénédictins, apothicaires et marchands…
Par ailleurs, pour nous Normands, il est intéressant de noter que dans la lignée directe de l’arbre généalogique des De Gaulle, on trouve un certain Richard De Gaulle qui aurait reçu un fief situé à Elbeuf-en-Bray de la part de Philippe Auguste vers 1212, qu’un Sire Jean de Gaulle était Gouverneur de Vire pendant la Guerre de Cent Ans. Resté fidèle au Roi de France, leurs biens du Pays de Caux confisqués par les Anglais, les De Gaulle auraient émigré en Bourgogne, puis en Franche Comté…
Cela n’explique pas pour autant pourquoi Jean-Baptiste se retrouve à 18 ans, au Havre, comme cuisinier dans une taverne, à moins qu’il n’ait tenté de retrouver les racines normandes de ses lointains ancêtres d’Elbeuf en Bray, petit village situé à une journée de cheval du Havre…
Il embarquera très vite comme cuisinier sur un navire en partance pour le Nouveau Monde. Il changera très rapidement d’office, deviendra matelot, puis aide pilote en 1758, maître d’équipage, enseigne en 1761, lieutenant de vaisseau, puis capitaine au long cours. (3)
Dans les Archives du Port du Havre, on trouve une lettre du Commissaire ordonnateur du Havre, adressée à son Ministre de tutelle en Août 1766 :
« J’ai l’honneur de vous envoyer, Monseigneur, l’état de service de ce pilote par lequel vous verrez que son premier état était d’être cuisinier. Il a appris ce métier dans une auberge de la ville où il a servi assez longtemps et c’est en embarquant comme cuisinier qu’il s’est instruit de la navigation et qu’il a appris l’art du pilotage… On ne peut refuser à ce marin une espèce de génie et une grande application pour être parvenu au point où il est…» (4)
Un jugement aussi élogieux de la part d’un fonctionnaire a priori indifférent, laisse à penser que Jean Baptiste Degaulle n’était pas fait d’une “pâte” ordinaire.